Joyce → whatever.

Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? Université cotée, proximité, facilité. Il n'y a pas plus d'explications à donner ; Joyce a été acceptée ici, elle y est donc venue.

Quelles sont vos sources de financement universitaire ? La famille de son fiancé, Tobias, lui finance ses études. Ce n'est pas par pure charité, ils ont juste les moyens, et il leur semble assez outrageant d'avouer que la fiancée de leur fils, mère de leur premier petit-enfant, s'instruit grâce à une bourse ou grâce à un petit boulot qu'elle occupe en dehors des cours. A leurs yeux, Joyce devrait être une femme et mère au foyer instruite à leurs dépends. Jusqu'ici, elle n'a jamais osé s'en plaindre auprès d'eux.

Que pensez-vous du système de confrérie ? Une confrérie, c'est un groupe, une famille supposément composée de personnes qui se ressemblent. Joyce adhère plutôt à ce principe, même si cela ne l'empêche pas d'être compétitive même dans sa propre maison. Le problème est réglé depuis plus d'un an remarque, elle fait bande à part.

D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? Joyce ne fait plus partie d'aucune confrérie. Lorsqu'elle est entrée à l'université, c'est fièrement qu'elle a été acceptée chez les Alpha Omicron Pi. On peut dire que ça lui a convenu : une réputation qui n'est plus à faire, des personnes avec qui se montrer et tuer le temps. Des mois à faire des envieux et penser clairement profiter de sa jeunesse. Et puis elle est tombée enceinte... Le secret n'a pas duré vraiment plus de trois mois. Au détour des douches et du dortoir, le ventre doucement arrondi a commencé à faire parler, les rumeurs ont fait la suite. Une nana enceinte n'a pas sa place chez les Alpha. Depuis, Joyce préfère assez largement n'être dans aucune confrérie et pouvoir régir son temps comme elle l'entend. Tant pis pour sa réputation.  

Joyce déteste les dimanches.

Elle déteste ce moment où elle se retrouve dans le salon de ses beaux-parents, son fils de neuf mois dans les bras, son fiancé installé à côté d'elle avec un bras passé autour de son cou. C'est une foutue mascarade à laquelle il ne lui est pas toujours possible de se soustraire. Parce que leur couple est ce qu'il y a de plus faux au monde, et elle n'aurait aucun intérêt à se séparer de lui. Parfois, pendant que son beau-père discute des derniers scandales politiques, Joyce se demande s'ils pensent réellement que leur fils est bien avec elle. Tous les éléments pousseraient pourtant à se dire que non. Ce n'était pas comme s'ils s'étaient beaucoup fréquenté. Tobias est jeune, beau, riche. Joyce est, ou du moins était populaire, séductrice et joueuse. Ils se sont tourné autour, ont terminé dans le même lit et se sont beaucoup amusé l'espace de quelques semaines. Jusqu'à ce qu'elle fasse un test de grossesse et qu'il s'avère positif. Il n'y aurait pas du y avoir de débordements, elle aurait du simplement avorter, le problème aurait été réglé. Mais une chose en entraînant une autre, elle s'est dégonflée, sa mère l'a découvert et l'a fichue à la porte, sa confrérie l'a rejetée, et Joyce s'est donc retrouvée seule avec pour seule option de se raccrocher à Tobias. Ils ne voulaient mutuellement pas d'un enfant, mais il n'est pas obligé de s'en occuper, lui. Il n'y a plus que le dimanche où ils se retrouvent à jouer la comédie devant les parents du jeune père. Ils sont les seuls à aider financièrement la jeune femme, à payer son studio, ses études, de quoi vivre correctement. Et la belle-mère insiste pour les préparatifs du mariage.

Alors oui, Joyce déteste les dimanches.

Mais elle va détester encore plus le fait de rentrer chez elle avec son fils sous le bras. Qu'on ne s'y méprenne pas, elle l'aime Seth. Il est son sang, sa chair. C'est juste qu'elle n'est pas faite pour être mère. Parfois, quand il se met à pleurer dans son berceau, elle n'a pas envie d'aller le consoler. Elle veut juste quitter la pièce, attendre qu'il se calme tout seul. Oublier qu'il existe. Revenir à sa vie avant tout ce cirque, en fait. Les moments où elle pouvait sortir sans se poser de question, découcher, boire, coucher avec n'importe qui, faire n'importe quelle activité qui puisse lui occuper l'esprit. Partir en vrille. Maintenant, elle passe son temps à se demander quoi faire de son fils pour des activités aussi innocentes qu'aller courir, patiner ou aller à ses entraînements de volley, ses principaux hobbies désormais. Elle aimerait aussi pouvoir envoyer un message à sa mère pour programmer une après-midi shopping toutes les deux. Si seulement sa mère avait encore envie d'entendre parler d'elle, du moins. Ce n'est même pas comme si Joyce pouvait se reposer sur son père, inconnu au bataillon.

Alors Joyce n'aime ni le dimanche, ni les autres jours parce qu'il y aura toujours ce petit quelque chose qui lui pourrira la journée ; elle a au moins le mérite d'être réaliste sur ce point.