ENFANT DÉTRUIT-T'es belle comme ça. Jolie Lo". Le couinement, les pleurs, la peur et l'incompréhension. Il n'aime pas lorsqu'elle pleure. Alors il continue, cette main trop intrusive, qui n'avait rien à faire là. Les tremblements s'intensifie. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Il avait toutes les femmes qu'il voulait. Et Maman ? Maman est où ? Papa est fou, papa disjoncte. Il disjoncte tous les soirs quand il se glisse dans sa chambre et qu'il explorait son corps d'enfant de ses mains rêches et souillées par une perversité mal placée. Alors Lovisa, elle griffe, elle chiale ; elle crache. Rien n'y fait. Sa grosse paluche l’étouffe couvrant ses cris. Pourquoi ? Encore et toujours. Pourquoi personne ne voit rien ? Pourquoi personne ne peut le remarquer ? Et Maman ? Maman pourquoi ? Pourquoi elle ne voit pas?Alors Lovisa ferme les yeux. Elle plisse fort ses paupières, fronce le nez, se raidit et elle attend. Elle attend que ça passe. Ca passe toujours.
ENFANT PERDUELe visage doux de sa mère, les rires de ses sœurs. Lovisa a le regard perdu sur ce dessin qu'elle esquisse, sa main bouge, fébrile, le pinceau file comme une voiture de formule 1 sur une route. Ses pupilles dilatées suivent les coups de pinceau avec passion et entrain. Ca l'inspire, ce décor, idyllique, cette possession de ce monde qui lui appartient. Elle est elle-même lorsqu'elle peint. Un truc se passe. Une chose comme un éclat de feu d'artifice, un frisson trop brusque. C'est rouge, ça pète. C'est jolie. Une main se glisse dans ses longs cheveux couleurs châtains.
-Lovisa ?
Elle ne répond pas. Pourtant, elle la devine, sa mère, souriante mais un peu anxieuse. Le pinceau ne s'arrête pas. La voix de sa mère s'affole, les rires de ses sœurs s'arrêtent. Le ton est inquiet mais tout ça lui est égal. Elle veut la terminer, pour qu'elle comprenne, pour qu'ils comprennent, tous. Elle a mal, Mairin. Elle veut qu'on sache ce qu'est la douleur, l'inquiétude, le déni … l'intrusion. Sa mère secoue son corps frêle et la peinture gicle les éclaboussants toutes les deux. La peinture rouge coule sur son visage moucheté de tâches de rousseurs et quelques gouttes se sont collées aux cheveux bruns de sa mère. Lovisa cligne des yeux, les larmes coulent et doucement, Lo' murmure :
-Maman … Je te déteste. Pour toujours !ENFANT BLESSÉE-Tu dois parler, Lovisa. Tu dois hurler, pleurer, griffer. Ne garde rien.
Lovisa, elle gratte ses poignets bandés. Elle mordille sa lèvre, elle la maltraite, elle déglutit, anxieuse, sa jambe s'agite, nerveuse. Le psychologue l'observe comme si elle était un serpent prêt à mordre ou une bombe prête à exploser. Qu'est ce qu'elle fout là déjà ? Ah … Oui. Elle a tenté de se suicider. C'est moche. Elle se souvient des hurlements de sa mère et son père lui caressant le visage. Elle déglutit, encore, la nausée lui enserre l'estomac.
-J'ai rien à dire.
-Toi et moi, nous savons très bien que c'est faux. Que se passe-t-il dans ta tête ? Que caches-tu avec tant de ferveur ?« Ne révèle jamais notre petit secret, Lovisa. Papa serait tellement mécontent », se rappelle soudain Lo'. Les larmes refoulées rendent lourdes ses paupières. Elle frissonne. Elle serre les dents.
-Rien. Je ne cache rien. J'peux y aller ?
Un soupir et le psychologue acquiesce. Elle se lève, se retenant de courir jusqu'à la porte. Elle étouffe. Sa mère, assise en face du bureau, se relève, arrêtant de triturer l'alliance à son doigt. Tremblante, sa mère l'encercle de ses bras lui murmurant que tout va bien et que tout ira bien désormais.
Non. Rien ne va bien, tout va mal … Rien n'ira jamais bien tant qu'il sera là.
ENFANT ENTENDUE-Je jure de dire la vérité, rien que la vérité, prononce solennellement Lovisa, observé par le juge et l'avocat de sa mère, la main droite levée en signe de promesse.
Elle évite de le regarder. Son père. Son horrible géniteur. Elle a 17 ans aujourd'hui. Et elle est face à une foule de gens inconnus, 6 jurés, un juge, deux avocats, sa mère … et lui. Pour témoigner. Témoigner d'un enfer qui a duré 10 ans. 10 longues années où elle n'a rien dit Mairin. Puis sa mère a tout vu, tout découvert. Elle ne bénit personne Mairin. Personne. Elle déteste sa mère de n'avoir rien vu plus tôt et ses sœurs d'avoir eu trop peurs. Et surtout elle-même, d'être aussi lâche. C'est injuste. Le regard dans le vague, elle avoue alors ce trop lourd secret qu'ils avaient, tous deux, trop longtemps partagés.
-Je m'appelle Lovisa Moa Tramell et je viens pour témoigner du crime de mon père, Monsieur Goran Davidsson. Dés l'âge de 7 ans, j'ai été victime de ses attouchements sexuels, ainsi que d'une tentative de viol quand j'ai eu l'âge de 15 ans. Sa mère se met à pleurer, son père doit serrer les dents. Elle, elle parle, vide son sac, sa haine d'un ton pourtant bien calme et posé. Tout est terminé ? Oui. Elle est finie depuis longtemps, la Lovisa. Lovisa n'est plus. Plus rien qu'une coquille vide qui va se laisser glisser sur la vague, tranquillement et se laisser couler ,petit à petit …
ENFANT CHARMÉELe bruit d'un briquet qu'on allume, une cigarette dont le bout s'embrase et la fumée âcre et épaisse l'entoure. Poitrine nue et cheveux éparses, Lo' se laisse bercer par les doux sons de la nuit de la ville de Chicago. C'est beau, c'est doux. Elle tourne son regard vers son compagnon d'une nuit qui lui caresse la cuisse, langoureusement. Il lui sourit, elle lui sourit. Aucun mot n'est échangé, ils savent tous les deux où tout ça va les mener. Elle va reprendre ses affaires, plonger ses doigts dans sa tignasse sombre et repartir comme un courant d'air. Juste une brève brise fraîche. Ils sont d'accord là dessus. Elle tire sur sa clope puis se met à califourchon sur lui. Son nom ? Elle s'en rappelle pas. Elle s'en fiche de toute façon. Sa main libre parcours son visage ombré d'une barbe …
-Je vais me souvenir de ton visage … et je te peindrais. Lorsque je n'aurais plus envie de faire vibrer ma haine sur une toile, je peindrais ton visage …
Il pouffe, lui prend sa cigarette, tire une taffe puis la fait se pencher vers lui. Leur lèvres se percutent, s'entremêlent, un balai de langue enfiévré … et ils remettent ça. Encore une heure, encore une fois et elle partira.
ENFANT DÉROUTÉEL'air est frais, la musique qui vient de l’intérieur de l'appartement lui semble lointaine, c'est un bruit de fond désormais. Des lumières rouges et oranges l'entourent sur ce balcon. Quelques personnes discutent ça et là. Pourquoi Francesca l'a emmené ici ? C'est pourri. Lo' sirote une bière, accoudé à la rambarde. Ses longues jambes couverte d'un collant noir filé et d'une jupe en cuir, tout comme sa veste, lui donne un air de rockeuse qu'elle n'est pas. Elle est dans la totale provoc et ne s'en cache pas. Observant un couple se rouler des patins pas loin, elle soupir puis quand elle se prépare à partir, un homme sort. Elle se fige et son cœur s'arrête. Il n'est pas forcément beau mais il aurait pu se vanter d'avoir du charme. Papillonnant des paupières comme une minette de 15 ans, elle attend qu'il marche vers elle. Il a l'air aussi lasse qu'elle. Il ne relève ses yeux et rencontre son regard, sa veste de costard pendant au creux de son coude.
Il s'avance et Lo' reprend sa pause nonchalante. Elle ne cherche pas à lui plaire … et pourtant. C'est lui qu'elle veut pour ce soir. Il hausse un sourcil. Elle est nerveuse. Elle boit une gorgée de sa bière puis lance d'un air blasé :
-Soirée de merde, hein ?
Il s'arrête, comme étonné qu'elle lui adresse la parole. Haussant une épaule, enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon de costard, il répond :
-Disons que j'ai connu mieux et que ce genre de soirée … ce n'est pas mon truc. Ma copine m'a forcé à venir alors …
Il a l'air impuissant mais Lo ne s'en rend pas compte. Une copine ? Elle n'attaque pas les mecs en couple. C'est un principe. Se retrouver être dans le rôle de la salope briseuse de couple, c'est trop fatiguant. Elle n'aura rien ce soir …
-Je vois … Moi aussi, on m'a légèrement forcé à venir. D'ailleurs, j'allais m'en aller.
Il hoche la tête, le regard pénétrant, glissant sur son corps et l'échauffant d'une douce chaleur. Il arrête ses yeux sur ses mains. Celles-ci doivent être couvertes de peinture sèche. Francesca l'avait interrompu en pleine séance de création … Peu gênée, elle le laisse observer. Posant sa bière sur une tablette près d'elle, elle sourit puis lui tend la main :
-Ravie de t'avoir rencontré. A la prochaine peut-être !
Il lui prend la main, respiration qui s'accélère mais la voilà qu'elle glisse hors de lui. L'air est instable et elle est menacée par cette envie de se détruire. Alors elle fuit. Vite, ne prenant pas le temps de prévenir Francesca, elle s'en va. Loin de lui. Elle ne le connaît pas, il n'est rien et pourtant tout a soudainement changé.
ENFANT DÉSARMÉESon regard est perdu dans le sien. Elle n'y croit pas puis secoue la tête, se ressaisissant et ne voulant pas passer pour une simple débutante perchée sur talons hauts. Elle s'avance vers lui et murmure, comme incapable de parler d'un ton plus fort :
-Quelle surprise … Je ne pensais pas te revoir ici.
Il ne sourit pas, il l'observe, la détail, comme il la fait la première fois. Son corps a les mêmes réactions, ce traître. Est-il encore avec sa copine ? Lovisa se sent presque coupable de ne penser qu'à cela alors que c'est sa soirée et qu'il ne doit pas être ce qui l'occupe le plus. Pourtant, elle est là, elle ondule comme une femme en manque, prête à tout. Elle entrouvre ses lèvres puis il demande soudainement :
-Ton nom ? Quel est ton nom ?
-Hum … Lovisa. Lovisa Tramell. Son regard lui fait comprendre qu'il apprécie.
-Enchanté, Lovisa. Callum Moore.
Elle lâche un rire, incrédule. C'est trop banal, trop con, si cliché. Alors sans plus de façons et de politesse:
-Je fais pas dans la dentelle. Alors … On va éviter de tomber dans le bon vieux cliché des amants interdits et passer à autre chose.
Son sourire éclair soudain son visage, approuvant ses dires.
-Tu as raison. Un verre ?
-Un verre.
ENFANT PASSIONNÉEElle est bourrée. Il l'est aussi. Peut-être moins. Leurs souffles s'emmêlent, leurs langues apprennent à se connaître, alors que les mains de son amant tant désiré parcours son corps encore vêtu de cette robe rouge affriolante. Elle gémit, il lui répond par un sourire désarmant. Leur corps s'enlacent. Ça transpire le sexe brut et la sensualité étrange. C'est sale, c'est vite vu mais elle apprécie chaque seconde, Lovisa. Elle se perd en lui, murmurant des choses inaudibles et inavouables. Elle est perdue dans son désir, sa passion et ses envies. L'est-il lui aussi ? Peut-être.
Ils en finissent vite, là, dans sa voiture à lui. Leurs souffles sont bruyants, leur peau est moite et leur regard embrumés. Puis tout se brise. Callum l'observe, caresse son visage. Trop d'émotions les traversent, trop de choses se passent. Et il regrette. Le regret. Elle hait ce sentiment de merde. Se sentant souillée, comme après chaque partie de jambes en l'air, elle se dégage de lui et retombe à côté de lui sur la banquette. Voilà ce que c'est … De se sentir rejeté. Il resserre sa cravate, reboutonne son pantalon et se tourne vers elle. Elle ne fixe qu'un point face à elle. C'est elle déjà senti aussi mal ? Oui. Mais c'est différent, à présent. Un soupir, bref. Elle tourne son visage vers lui puis …
-Inutile de me ramener, je connais le chemin.
Sur ces mots, elle ouvre la portière et s'enfuit, honteuse, souillée et haineuse de sentir encore l'odeur de son parfum sur sa peau.
ENFANT EN COLÈRE-C'est une erreur. Tout ça, c'était une putain d'erreur de merde !
Son expression est froide. Lovisa ne comprend pas. Elle affiche un sourire cynique, amer.
-Quoi ? Ca y est. T'as perdu ta copine alors je suis plus intéressante. J'en ai rien à foutre, mon pauvre.
Ses mains enserrent vivement ses bras et la secoue, il hurle.
-Mais quand vas-tu enfin te réveiller, Lo'?! On est dans la réalité, pas dans un putain de livre à la con où tout peut se résoudre selon le bon vouloir de l'auteur.
-Tu crois m'apprendre la vie ? Toi ? T'es absolument rien pour moi.
Mensonge, qu'elle se hurle dans la tête. Il est devenu un tout, un point d'ancrage. Elle perdait plus la boule grâce à lui depuis un an. Mais elle n'y peut rien, elle panique alors elle crache son fiel. Il n'a pas l'air d'être blessé, ça l'énerve d'autant plus. Il la relâche, l'air lasse.
-C'est bien là, le soucis Lovisa. On est rien l'un pour l'autre. Jessie est partit et maintenant … On est là comme deux cons à baiser …
-Alors c'est juste ça ? De la baise ? On partage que ça toi et moi ?
Elle vire carrément au mièvre mais elle s'en fiche. Elle se retient de lui balancer un truc au visage, elle le déteste. Elle cherche son paquet de cigarettes, voulant se calmer à tout prix. Reprendre un peu de contrôle. Mais rien n'y fait. Même lorsque la fumée entre enfin dans ses poumons, elle tremble, de peur, de haine. Il l'observe, presque avec pitié puis ses mains encerclent son visage.
-T'as tout pour toi, Lovisa. Tu peux faire mieux que ce que tu fais avec moi. -Je l'ai fait pendant un an ce que je fais, pourquoi arrêter ? -C'est … Ca n'a plus aucun sens. Quoi ? -Comme t'as plus personne à tromper, c'est plus si important de coucher avec moi alors ?
-Non ! Je … On ferait mieux de s'en tenir là. Rentre chez toi, reprend une vie normale … Stable.
Elle serre les dents, elle a presque envie de pleurer. Mais elle a plus pleuré depuis des années. Et que cette envie soudaine revienne lui envoyer un direct dans la gueule, ça lui fou encore plus la haine. Elle écrase sa cigarette à peine entamée dans un cendrier enlevant avec des gestes brusques sa chemise. Son odeur est partout. Elle déteste ça.
-J'ai jamais était stable et je le serais jamais.
Nue comme au premier jour, elle commence à chercher ses affaires. Se rhabillant à une vitesse impressionnante, elle finit par se tourner vers lui, qui ne la quitte pas des yeux, l'observant d'un air froid et détaché.
-T'es un beau connard, Callum. Va en enfer.
Car elle y est déjà, elle.
ENFANT ENVOLÉELes peintures sont noires, grisâtres. Elle ne voit plus le jour depuis combien de temps ? Elle ne sait pas. Elle ne sait plus, Lovisa. Entourée par une dizaine de pots de peinture, vêtue seulement d'un t shirt sale et trop grand pour elle, elle peint sa haine, son désarroi et sa colère. Elle le veut mort. Il est mieux mort que sans elle, se dit-elle puis elle a peur. Peur de devenir un monstre, une chose ignoble et écœurante. Alors elle se ferme, un peu plus, bercée par les jacassements de ses perroquets. Parfois elle leur lance un violent « La ferme » .. mais ils n'écoutent pas alors elle abandonne et retourne à sa peinture. Il a brisé un truc, Callum. Un truc qui n'existait pas avant … Elle serre le poing sur son pinceau, Elle le hait, il la dégoûte. Alors elle peint sa peine, sa tristesse. Son dégoût d'enfant brisé.
LE COMMENCEMENTLo' se perd un peu dans le brouhaha qui l'entoure. Elle est comme un pion, posé là pour l'occasion. Seulement spectatrice de ses actes. Elle se vit intégrer cette confrérie, qu'aujourd'hui; elle chérit énormément. Elle s'est lié à certains, en s'éloignant d'autres. Elle est froide, étrange, un peu bohème. Elle s'y sent bien chez eux. Elle les aimes et se sent proches de chacun d'eux. Elle se rappelle chacun de ses moments passés avec eux. Son intégration ne fut pas bien difficile. Sa façon d'être et son air un peu froid attira plus qu'il ne rebuta. Son bizutage ne lui rappelle pas de mauvais souvenirs, bien au contraire. Elle est à présent parfaitement intégrée et considère les Kappa Alpha Psi comme une seconde famille.