Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? Déjà, le déménagement de la famille dans le coin de Chicago est l'un des facteurs importants de mon inscription à l'université. J'aurais pu décider de retourner dans mon petit coin de Londres, et aller étudier la littérature à Oxford, mais je dois dire que côté logistique, ça aurait été une erreur plutôt merdique. De plus, disons qu'avec tout ce que j'ai vécu, je préfère de loin rester ici, me faire des amis en Amérique, plutôt que de retourner à Londres. Disons également que le programme de littérature à l'Université de Chicago est aussi l'un des plus reconnus, du moins de ce que j'ai entendu. Je vais donc rester ici, je vous en remercie. Ça fait quand même presque 6 ans que je suis là, il serait ridicule de reculer.
Quelles sont vos sources de financement universitaire ? Soyons très honnête ici: mes parents sont extrêmement riches. Je pourrais même dire "Stupid Rich" comme diraient les Américains. Mon père a travaillé à Londres dans une grande firme commerciale, et a pu avoir le même genre de poste à Chicago lorsque la succursale de Londres a fermé ses portes, alors je vis dans la même situation financière que nous avions quand nous avons quittés Londres. En plus, vu mon premier roman publié à Chicago, je bénéficie aussi d'un certain pourcentage de droits d'auteurs, alors ça me permet aussi de me faire un peu d'argent de poche. Donc, j'ai assez d'argent avec la monnaie que je reçois pour mon "emploi" à temps partiel pour payer mes études, ainsi que l'argent familial. Disons que j'en ai plus qu'assez pour pouvoir me payer des études dans les meilleures universités du monde, alors il faut que j'en profite comme il faut, non?
Que pensez-vous du système de confrérie ?Je trouve que c'est littéralement un principe ridicule. Disons que je n'ai pas envie de m'identifier avec des gens que je n'ai jamais rencontré de ma vie, qui prétendent partager les mêmes centres d'intérêts que moi et subir le bizut des confréries et m'humilier de telle sorte... Non, mon but c'est plutôt de faire ce que je veux, dans mon petit coin. Ensuite, si les autres se sentent valorisés dans un système comme celui-là, qui suis-je pour m'en défier? Ils n'auront qu'à suivre le troupeau de mouton, et moi je serai le loup qui les regardera aller. Je crois que j'éprouverais un malin plaisir à voir comment ils vont se débrouiller... Tout ça pour dire, le système de confrérie, je n'y crois pas une seconde. C'est un nouveau genre d'endoctrinement, chose que j'ai en horreur. Pourquoi est-ce qu'il faudrait aller chercher l'approbation et l'appréciation des autres, hein?
D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? Non, je ne fais partie d'une confrérie...
Il y a longtemps que je n'avais pas porté du noir... J'aurais jamais cru que j'en porterais aujourd'hui, parmi toutes les journées de mon existence. J'étais là, devant ce trou béant, et je voyais toutes ces autres personnes, habillées de noir, comme un raz-de-marée de pétrole qui se déverse. Je ne me sens pas bien parmi tous ces gens qui semblent si abattus, si morts à l'intérieur... Mais moi aussi, au fond, je suis tout comme eux. J'ai l'impression de m'enfoncer dans le néant, et ce trou que je regarde, je l'imagine être le mien. J'imagine une boîte de bois, avec mon corps à l'intérieur, qui descend lentement... Je peux sentir la caresse amère des larmes qui coulent le long de mes joues, et j'en ressens un profond dégoût... Mais en même temps, je ne peux pas me dégoûter moi-même, pas après ce qui vient de se passer.
Aujourd'hui, c'est le 13 décembre 2012... Aujourd'hui, dans le froid de l'hiver, je suis devant un trou noir, au beau milieu d'un cimetière... Et j'enterre mon meilleur ami qui s'est enlevé la vie.
Chapter 1 : Beginnings
D'aussi loin que je me souvienne, mon envie d'écrire a toujours été à l'intérieur de moi. Depuis ma naissance, le 13 Mars 1992, dans un petit quartier cossu de Londres, mes parents ont tout de suite su que j'allais devenir un artiste. J'étais, en vérité, le total contraire de mon illustre famille. Les Carrows ont toujours été reconnus comme de grands professionnels, des gens d'affaires de haut niveau, et des personnes respectée. Alors qu'un de leur enfants aie décidé de devenir un artiste, surtout un écrivain, on peut dire que ça sortait carrément de la norme. J'ai toujours été un grand lecteur (d'ailleurs, petite fierté, j'ai appris à lire et à écrire bien avant mes camarades... Imaginez leur tronche de jalousie, et vous verrez pourquoi j'ai un plaisir sadique à me rappeler ma jeunesse) et dès mon plus jeune âge, j'allais squatter les salons du livre de Londres pour voir mes auteurs favoris, leur demander des autographes, et aussi avoir droit aux derniers scoops sur mes héros favoris. J'ai déjà eu la chance de montrer mes premiers écrits à J.K. Rowling elle-même quand j'avais 11 ans! D'ailleurs, elle est devenu mon mentor depuis tout ce temps, puisque je garde quand même contact avec elle, comme le fanboy que je suis... Ma carrière était sûrement déjà toute tracée...
Je ne la vivrai cependant pas à Londres.
Chapter 2 : Changes
Avril 2015. Mon père apprends que la succursale de Londres de la grande firme commerciale pour laquelle il travaillait va bientôt fermer ses portes. Disons que la nouvelle n'a pas été exceptionnellement bien accueillie. Je me souviens parfaitement du visage défait de mon père, qui semblait sur le point d'exploser de colère et de peine tout à la fois. J'avais l'impression qu'il allait sauter à la gorge de quiconque allait lui parler de son travail. Puis ensuite, la nouvelle qu'il allait être déménagé pour la même firme commerciale, mais dans une autre succursale... à Chicago. Je compris alors toute la portée de ce qui allait se passer : nouveaux amis, nouvelle école, nouvelle vie. J'allais devoir quitter ma vie de londonnien et devoir devenir American. De « God Save The Queen » à « God Bless America »... D'un signe religieux et politique bidon à un autre...
Mais mon arrivée à Chicago m'a donné la chance de me faire de nouveaux amis dans mon nouveau lycée, et surtout de faire la connaissance de mon meilleur ami, Karl Leeroy. C'était l'un des mecs les plus étranges que j'ai eu la chance de connaître, et pourtant il est également le plus sensationnel que j'ai pu connaître. Lui aussi était artiste, mais il dessinait comme un dieu. Tous ses dessins me donnaient des émotions comme je n'en aurais jamais eu autrefois. Nous étions très proches. J'avais le béguin pour lui, mais bon, lui il aimait les femmes. Mais chez lui, ça allait mal. Entre un père alcoolique, une mère morte et une sœur qui essayait tant bien que mal de le faire sortir de sa tanière, couplée à sa vie amoureuse qui n'allait nulle part, il se sentait tout de même horriblement seul...
Puis vint le jour fatidique, presque 5 ans après l'avoir connu.
Le 1er décembre 2012, Karl Leeroy est retrouvé chez lui, mort... Possiblement pendu...
Il s'était suicidé...
Chapter 3 : Grief
Pendant au moins un mois, j'ai eu l'impression de vivre un véritable enfer. Je recevais des sympathies de la part de tout le monde, certes, mais j'agissais de manière brutale. Tous ceux qui voulaient me consoler, je les envoyais paître. Je n'avais envie de voir personne. Voir la famille de mon meilleur ami en larme n'arrangeait pas du tout les choses...
Il m'avaient demandé de venir faire le ménage dans ses affaires quelques temps après. J'ai refusé, au départ, trop pris par le deuil et la sensation qu'il m'avait abandonné. Je ne voulais rien savoir. Mais plus j'y pensais, plus je voyais que c'était complètement idiot. Alors j'ai décidé un jour d'y aller, de trouver le courage de me rendre chez mon ami et de me débarrasser de tout ce qui faisait de lui l'être que j'avais tant aimé, de toute les manières possibles...
C'est à ce moment-là que je découvris son cahier, avec une mention à mon nom. Personne ne l'avait retrouvé à part moi. Je voyais une note inscrite sur la première page.
« Cher Yuri...
Peut-être qu'avec ça, tu comprendras...
Karl »
Fasciné, effrayé, tétanisé et englouti par la peine... Voilà tous les sentiments que j'ai ressenti lorsque j'ai vu cette note. Il voulait que j'essaie de comprendre pourquoi il avait fait tout ça. Pourquoi il avait décidé de mettre fin à ses jours...
Je ne l'ai pas regardé pendant des mois... Mais le jour où je l'ai vu, c'est là que j'ai commencé à écrire...
À écrire mon premier roman...
L'histoire était semblable à la mienne, à la sienne... Un jeune homme qui, suite au suicide de son meilleur ami, découvre un cahier de dessins dans lequel il découvre des pans cachés de la vie de ce jeune garçon qu'il avait, en vérité, à peine connu. Chaque dessin était hanté par le fantôme de son confrère, d'une manière ou d'une autre... Et à la fin, lorsqu'il passe par sa maison, il voit son meilleur ami, qui semble presque vivant, dans une chambre remplie de dessins. Un spectre, un vrai, qui lui demande pardon avant de disparaître dans une pluie de pages avec des dessins parfois surréalistes, parfois si vrais...
Un roman fantastique à la mémoire de mon ami défunt.
Aujourd'hui, c'est moi qui vais dans un salon du livre. Je suis un peu nerveux. Je sais que tous mes nouveaux « fans » vont me poser des questions sur l'histoire, et me demander la question fatidique : c'est vrai, toute cette histoire?
Et je leur répondrai, tout simplement :
« Peut-être bien... »
Chapter 4 : Learning
Maintenant, près d'un an après la parution de mon roman, me voilà prêt à franchir une nouvelle étape de ma vie. Je redeviens le petit écrivain un peu libertin que tout le monde connaît, et même plus! Ça fait bientôt 6 ans que j'étudie à Miami-U, en littérature fantastique, un sujet qui m'intéresse beaucoup. Pour la première fois, le deuil n'est plus une partie de moi. J'ai envie de continuer là où je suis, là où j'ai toujours été. J'écris d'ailleurs un nouveau roman. Une histoire de high fantasy, presque à la hauteur du mythique Seigneur des Anneaux. Du moins, j'essaie! Avec tout ce que j'apprends, en plus, j'essaie de trouver comment je peux rivaliser avec les Tolkiens et les Paolinis de ce monde...
Et dans chacun de mes romans, comme pour me rappeler un peu qui je suis, je laisse toujours une trace de Karl Leeroy. Sauf que cette fois, je n'ai plus ce goût amer dans la bouche...
Maintenant, je souris...