Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? Ce n’est pas tellement par choix que j’ai décidé de rester à Chicago pour mes études. J’avais à l’origine obtenu une bourse pour l’université de Harvard couvrant tous mes frais de scolarité, mais j’ai dû y renoncer lorsque ma mère commença à avoir des problèmes de santé. Je suis donc resté ici pour m’occuper d’elle. L’université de Chicago n’est pas la plus réputée du pays et j’aurais probablement eu plus à gagner en allant étudier loin d’ici, mais la vie ne nous laisse pas toujours le choix et je m’en suis parfaitement accommodé.
Quelles sont vos sources de financement universitaire ? Ça n’a pas été facile tous les jours, je ne viens pas d’un milieu très aisé bien au contraire. Pourtant j’ai su me débrouiller comme il le faut pour à la fois payer l’université, le traitement de ma mère et les factures. Je vis seul dans la petite maison familiale, je n’ai donc pas de loyer à payer. J’ai réussi à obtenir une bourse d’études grâce à mes excellents résultats pour payer la majorité des frais de scolarité et je travaille à temps partiel à la libraire tout en donnant des cours particuliers pour les plus jeunes en périodes de révisions histoire de ne pas m’endetter. C’est pas facile tous les jours, mais il le faut bien si je veux continuer à garder la tête hors de l’eau jusqu’à ce que je finisse mon doctorat.
Que pensez-vous du système de confrérie ? Les confréries sont la base de la majorité des universités américaine. J’ai un avis plutôt mitigé à ce sujet, d’un côté ça permet de se forger de véritables liens entre les étudiants membres d’une même confrérie mais de l’autre le côté sectaire de ce système nous amène à ne côtoyer que des personnes qui nous ressemblent, à former un groupe parfaitement homogène. Je préfère largement la diversité dans un groupe de personnes, ça permet d’apprendre beaucoup de ceux qui nous entourent.
D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? J’ai mis un an avant de me décider à rejoindre une confrérie. Je ne voulais pas que l’on me colle d’entrée l’étiquette de l’intello coincé à mon arrivée à l’université et je préférais rester en dehors des rivalités entre les différentes confréries. Pourtant, au bout d’une année j’ai fini par me laisser séduire par mes ainés qui me poussèrent à rejoindre les ZETA PSI suite à mes notes frôlant l’excellence. Je me suis rapidement rendu compte que mon avis était complétement faussé par tous ces stéréotypes qui font des ZETA la bande de petits génies ne sachant pas profiter de la vie. Ma première année de bizutage s’est déroulée sans le moindre souci. Je n’ai jamais été du genre à baisser les bras à la première occasion et aussi dur soient les épreuves. Ils ont surtout joué sur mon côté naïf et sur ma sexualité pour aller me faire draguer quelques ALPHA tous bien en muscles et à l’avis loin d’être dans l’ère du temps concernant les homosexuels. Malgré l’humiliation et la réputation qui en suivit, j’ai tenu bon en éternel optimiste que je suis et ai gardé la tête relevée durant cette année de bizutage pour finalement intégrer pleinement les ZETA. Cela fait donc sept ans maintenant que je fais officiellement partie de cette confrérie et je ne le regrette absolument pas.
« Ne pleure pas, tu sais que ton père préférerait te voir sourire mon amour. » Ma mère me prit dans ses bras et sécha mes larmes d'un simple revers de main. J'avais à peine six ans lorsque mon père nous quitta. Il est mort en héros. Lui qui risquait sa vie tous les jours en affrontant les feux de la ville prit le risque de laisser tous ceux et ce à quoi il tenait pour sauver une jeune enfant prise au piège dans les flammes d'un vieux bâtiment. Il fit le sacrifice de sa vie, car il aurait été heureux que quelqu'un d'autre en fasse de même pour moi, ou ma mère. Et pour cela, je ne pus le pleurer bien longtemps. J'avais beau n'être qu'un gamin je comprenais tout ce que la vie et la mort impliquaient, je comprenais à quel point le geste de mon père était noble et peu importe la tristesse je ne pus pleurer bien longtemps car même s'il nous avait quitté aujourd'hui, il restait tout de même présent dans nos cœurs.
Ma mère, une femme au foyer qui n’avait jamais eu l’occasion de terminer ses études, dû concilier deux travails en tant que serveuse et nourrice pour continuer à m’élever sans que je ne manque de rien. Elle le devait à mon père. Elle ne cessait de me répéter :
« Tu es un enfant exceptionnel mon chéri, et pour ça je ne peux pas me permettre de te freiner. » de sa voix tendre et réconfortante quand je lui demandais pourquoi elle se tuait tant à la tâche. Oui, je suis exceptionnel. Mes parents l’ont vite remarqué, de même que mes professeurs alors que je n’avais encore que trois ans. D’après les tests que j’ai passés, mon Q.I. serait supérieur à la moyenne et pour cette raison ma mère ne pouvait pas se permettre de me donner une éducation médiocre. Elle ne le voulait pas. Malgré la fatigue, elle continua à être cette mère aimante qui se priva de tout pour ne jamais me priver de rien. Je suppose que c’est pour cette raison qu’aujourd’hui je ne peux m’empêcher de rendre service à quiconque me demande de l’aide, à cause de cette générosité qu’elle m’a inculquée durant toutes ces années. De même que ce sourire qu’elle ne cessa d’afficher même dans les moments les plus difficiles.
« Peu importe ce qu’il se passe, saches qu’il y aura toujours un bon côté. Il est plus facile de vivre avec lorsqu’on les voit. » Une belle leçon de vie que je ne manque pas de transmettre à qui veut bien m’entendre aujourd’hui. J’ai donc eu une enfance particulièrement comblée. Malgré la perte de mon père je n’ai jamais ressenti de vide à combler. Ma curiosité naturelle et mon intelligence me permirent toujours d’être en tête de classe au plus grand plaisir de ma mère. Je n’étais pas un gamin bizarre et renfrogné, le cliché du petit intello de première s’isolant des autres dans son coin. Bien au contraire. J’ai très vite compris que je sortais également des sentiers battus lorsque mon regard se posa pour la première fois sur l’un de mes camarades, lorsque je sentis cette attirance poignante et saisissante envers un autre jeune homme. J’en eus honte, jusqu’à ce que ma mère l’apprenne et me soutienne dans mes choix. Parce qu’elle m’aimait. Parce qu’elle m’aimera toujours.
Malheureusement, tout n’est pas toujours aussi beau. Ou du moins ça ne le reste pas éternellement. Alors que je venais tout juste de recevoir une bourse pour mes résultats excellents couvrant la totalité de mes frais de scolarité à la prestigieuse université de Harvard, la nouvelle tomba.
« D’après les examens, il semblerait que vous ayez un mélanome de la peau au stade 2. » Un cancer de la peau. Ma mère qui avait passé sa vie à se tuer à la tâche mourrait à petit feu. Bien qu’il ne soit pas encore à un stade trop avancé, le cancer commença à progresser. Il progressa bien trop rapidement à vrai dire. Et d’une certaine manière, bien que grandement encouragé pour quitter le cocon familial et partir vivre ma vie je n’eus pas le courage de la laisser seule ici. Je décidais donc d’abandonner ma scolarité à Harvard et commençais à m’occuper d’elle tout comme elle s’était occupée de moi depuis toutes ces années, aussi dur que cela pouvait être. Je m’inscrivis donc à l’université de Chicago en licence de psychologie. J’obtins facilement une bourse qui pouvait couvrir les frais et me trouvai un travail dans une librairie pour pouvoir payer le traitement de ma mère qui n’obtenu que peu de résultat au fil des années. A présent je ne suis qu’un étudiant modeste entamant sa dernière année à la fac, espérant obtenir son doctorat avec une mention très bien sans histoire avant d’enfin pouvoir cesser de jongler entre la fac, les stages et ces boulots qui me servent à ne pas me noyer sous les dettes. Felix, ce gars toujours souriant malgré les épreuves, ce gars débordant d’amour et ne demandant qu’à être aimé en retour.