Pourquoi avez-vous choisi d'étudier à l'université de Chicago ? Ce n'est pas vraiment un choix, enfin... Si, dans le sens où c'est moi qui ai souhaité reprendre mes études. Mais vu que ma sœur a sa vie à Chicago, j'ai préféré rester dans les parages.
Quelles sont vos sources de financement universitaire ? Hum... Essentiellement de l'argent que j'avais de côté, et un petit boulot à côté. Ma famille n'a pas vraiment les moyens pour m'aider à financer cette reprise d'études.
Que pensez-vous du système de confrérie ? Je faisais partie d'une confrérie lorsque j'étais à l'université de Boston, et j'appréciais plutôt bien ce système. Mais franchement, aujourd'hui, je n'en vois pas l'utilité. Même si c'est un bon moyen pour s'intégrer à l'université pour les nouveaux.
D'ailleurs, faites-vous partie d'une confrérie ? Si oui, depuis combien de temps ? Non, je ne fais partie d'aucune confrérie.
Ne dit-on pas que le bonheur n'était qu'éphémère ? Je ne pouvais pas dire le contraire... Peut être que l'on devrait reprendre tout depuis le début ? C'est une histoire qui commence comme toutes les autres, en vérité. Un regard, un sourire, la promesse d'un avenir, un sentiment d'avoir trouver son âme sœur, celle qui vous fait vibrez. A cet instant, plus rien n'a d'importance excepté elle, cette personne. C'est dans les rues de Boston que son destin changeait à jamais. Comme ci, c'était une pure évidence, un mariage suivit très rapidement, puis il lui proposait de venir vivre avec lui en France. L'adaptation ne fut pas évidente et pourtant c'était tout ce qu'elle voulait. Vivre avec cet homme, persuadée qu'il était l'homme de sa vie. Quelques années plus tard, leur bonheur était complet, accueillant leur premier enfant, un jeune garçon, suivi de près par une fille. Mais la famille n'était pas au complet, un dernier enfant vit le jour : Léonie.
Un soir, je me réveillais après avoir fait un cauchemar, je n'avais que 6 ans, je me souviens des paroles de ma mère, qui avait accouru dans ma chambre.
« Que se passe t-il mon petit ange ? Tu as encore fait un cauchemar? »Les larmes aux yeux, j'avais hoché la tête. Elle m'avait alors déposé un baiser sur le front, et m'avait sortie des couvertures pour me prendre sur ses genoux.
« Raconte-moi ce qui t'ennuie, Léo ?
-Je suis sûre... Maman, il y a des monstres sous mon lit. Et quand tu partiras, ils vont essayer de me manger les pieds, tu sais, comme dans ce film. Je ne veux pas que tu partes...
-J'ai une idée. Je pourrais te lire une histoire ? Je suis certaine que cela éloignera les monstres et que tu pourras dormir sans crainte. Tu es d'accord ? » Un nouveau hochement de tête, elle sourit. Avant d'attraper un livre, un livre de princes et de princesses dont je n'eus pas l'occasion d'entendre la fin. Quelques jours à peine, je perdis ma mère, elle s'était complètement évanouie dans la nature. Enfin, c'est ce que mon père avait essayé de me faire comprendre... Mais j'avais compris. Elle n'était plus de ce monde. J'étais très jeune, et ne me rendait pas très bien compte des conséquences. Je réclamais sans cesse ma maman, espérant qu'au son de ma voix, peut être, reviendrait-elle.
La spirale infernale avait alors démarré. Mon père travaillait tellement, pour éviter de penser à ma mère. Et de ce fait, était très peu à la maison. Je fus élevée par ma sœur et mon frère, jusqu'à ce que je sois capable de me débrouiller seule. Je n'avais plus entendu de rire depuis ce jour funeste. Je n'avais plus tellement de souvenirs de ma mère, et refusais d'y penser. J'intériorisais tout... Même si ça me faisait mal de voir mon père dans un pareil état. Il n'était pas sorti indemne de tout ça, et on le voyait petit à petit s’enfoncer dans une profonde dépression. Je me souvenais de ce jour... Il était allongé dans son lit, leur chambre n'avait pas changé d'un pouce. Je rentrais, du haut de mes 13 ans, observant dans les moindres détails. Il y avait toujours les mêmes cadres photos, le même papier peint, la même tâche à côté de la porte... Je déglutis, et m'allongea à côté de mon père, ne sachant pas quoi lui dire. Je pris mon courage à deux mains, et tournais ma tête vers lui.
« Papa ? » Son regard s'orienta vers moi, comme ci il prenait tout juste conscience de ma présence, de mon existence même.
«Oh, Léonie. Ma chérie... Je suis désolé. »Sans que je m'y attende, il me serra contre lui, se mettant à pleurer. Je ne savais pas quoi faire... Mon père ne m'avait pas pris dans ses bras depuis que j'avais 5 ans, et je ne l'avais jamais vu pleurer. Je me contentais de lui caresser gentiment le dos, de le réconforter. Il se décolla de moi, m'observa de ses yeux clairs. J'avais l'impression qu'il n'était pas seulement désolé de ne pas m'avoir vu entrer dans sa chambre... Mais aussi pour toutes ces dernières années.
«Tu ressembles tellement à ta maman... »Je me contentais de sourire, sans rien dire, me retenant de pleurer. Maman ? Je pris conscience à cet instant de tout ce que j'avais manqué, je m'observais dans un miroir, remarquant que j'étais le portrait craché de ma mère. Quelque chose en moi se brisait en mille morceaux... Mon cœur peut être ? Je me relevais, feignant un sourire. Je me précipitais dans ma chambre, m'écroulant sur mon lit, pleurant. J'ai besoin de ma mère...
Ce fut la seule fois où je pleurais la mort de ma mère. La seule fois où je laissais mes émotions me contrôler. J'étais surprotégée autant par mon frère, ma sœur ou encore mon père. Ils craignaient tous que je craque à nouveau, et mon père avait même essayé de me faire rencontrer un psychiatre, sans succès. Je n'avais pas lâché un mot...
« Léonie, il faut que l'on parle tous ensemble... On ne peut pas continuer comme ça. Tu vas partir quelques jours à Boston, avec ton frère et ta sœur. Vos grands-parents vous attendront là-bas. Vous avez besoin de changer d'air.
-Papa... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. », ajoutai-je en soupirant. Non, franchement, ça ne m'enchantait pas plus que ça. Je savais qu'il essayait de me redonner goût à la vie, que je me comporte comme une fille de 15 ans doit le faire. Mais c'était au dessus de mes forces... Je m'allongeais sur mon lit, observant une photo de ma mère. Elle portait une magnifique robe, les cheveux détachées, elle souriait, elle semblait heureuse. Cette photo commençait à s'abîmer, j'avais passé tellement de temps à l'observer. Je ne voulais pas oublier son visage... Jamais. D'une année sur l'autre, je me comportais différemment. Pour mes 16 ans, j'insistais auprès de mon père pour aller fêter Halloween avec des amis, et on m'avait retrouvé complètement bourrée. Interdiction de sortie? Ça ne m'arrêtait pas. Je ne sais plus combien de fois j'ai fais le mur... Je restais tout même une fille solitaire. Et mal dans sa peau, comme toute adolescente qui se respecte. Je pris une décision alors que je venais d'avoir 19 ans, quelque chose qui allait tout changer: déménager à Boston pour y faire mes études. J'avais pris l'habitude d'y aller chaque été, et j'avais besoin de prendre mes distances. Chaque fois que je voyais mon père, il avait les larmes aux yeux. Je lui rappelais sans cesse le souvenir de ma mère... Je devais vivre ma vie et prendre le large.
Je décidais alors de me faire appeler Maylise, mon deuxième prénom, qui faisait beaucoup plus anglo-saxon. Certains de mes amis connaissaient mon vrai prénom, mais ils étaient rares. C'était difficile de vivre loin de ma famille, même si ma sœur ne vivait qu'à 3h d'avion de Boston, elle vivait à Chicago avec son fiancé. Seul mon frère et mon père étaient restés en Europe. Je décidais donc de démarrer mes études dans le journalisme, j'aimais beaucoup écrire, et puis... Franchement, je ne savais pas quoi faire d'autre.
« Ta mère serait fière de toi, ma chérie. »Peut être oui... Ma grand-mère n'avait pas revu ma mère lorsqu'elle était encore en vie, alors que pouvait-elle en savoir? Je me contentais d'hocher la tête. Elle la connaissait probablement mieux que moi, je feignais un sourire avant d'aller de nouveau m'isoler devant mes livres de cours. L'année suivante, je commençais un petit boulot pour commencer à rembourser mon prêt. Un petit boulot pas très bien rémunéré, mais qui m'occupait l'esprit. Mon père m'avait rendu visite une fois, pendant les vacances. J'avais passé énormément de temps avec lui, au point même de regretter d'être partie de la France.
« Léo... Tu es la plus belle chose qui nous est arrivé à moi et à ta maman, tout comme ton frère et ta sœur. N'aie pas honte de lui ressembler autant, au contraire... Je n'ai pas souvent été présent pendant ton enfance, et je m'en veux. Je t'aime tellement, ma fille. »Les yeux remplies de larmes, je l'avais serré dans mes bras.
J'ai eu le parfait exemple du couple parfait et amoureux... Même si ma mère était décédée. Ils s'aimaient sans aucun doute, ils auraient dû vieillir ensemble. Alors oui, je croyais au grand amour, à cette personne qui m'attendait là quelque part. J'étais en dernière année, j'allais obtenir mon bachelor dans quelques mois, j'avais eu l'occasion de démontrer que j'étais loin d'être bête. Et ma famille était certaine que j'allais obtenir avec brio ce bachelor. Mais tout changea... Alors que j'étais au boulot, dans ce petit magasin en centre ville, je croisais le regard d'un jeune homme. J'eus l'impression de recevoir un coup au cœur, c'était évident. C'était lui. Pauvre naïve fille que j'étais du haut de mes 22 ans, je le suivais aveuglément, n'écoutant que d'une oreille distraite les avertissements de mes proches. J'étais en totale admiration. Auprès de lui, j'avais l'impression de m'ouvrir au monde, de laisser libre cours à mes émotions. Lorsqu'il me demandait d'abandonner mes études pour le suivre, je n'hésitais pas une seconde. J'obtenu mon bachelor de justesse, et stoppais tout. Il m'emmenait partout avec lui, il était musicien dans un groupe de musique, quitte même à mettre ma vie entre parenthèse. J'étais prête à tout pour lui. Même à m'embrouiller avec mes proches. J'étais amoureuse... Pourquoi personne ne pouvait comprendre ça? J'ai passé un peu plus de trois années de ma vie avec lui, allant de ville en ville, vivant une vie de nomade. Mais l'amour, ne dit-on pas, rend aveugle.
Ma sœur m'avait essayé de garder le contact avec moi, et souvent elle m'appelait. Et elle s'inquiétait sans cesse pour moi. Désormais elle avait sa vie, elle était mariée et avait eu un enfant.
« Viens me voir, Léo. Tu pourrais rencontrer mon mari, et ton neveu. Ta relation avec ce type n'est pas saine... Tu te vois vraiment sur la route toute ta vie? Tu mérites mieux...
-En quoi ma vie te regarde? Je suis heureuse comme ça. Laisse-moi, s'il te plait. » Je savais qu'elle avait raison au fond... Mais si je partais, qu'est-ce que je ferais? Sans lui, je n'étais plus rien. Plus le temps passait, et plus c'était difficile. Il commençait à beaucoup sortir sans moi, et on se disputait beaucoup, lui reprochant justement de m'avoir tout fait abandonné pour lui. Je voulais me faire pardonner, et allait le voir au bar où il était censé se trouver avec son groupe. Mais ce n'était pas le cas... Je l'observais, sans rien dire, tandis qu'il embrassait le cou d'une jeune femme, complètement amoché.
« C'est à ça que tu passes ta soirée? Salaud! » Je me saisissais de son verre, alors qu'il était complètement pétrifié, avant de lui balancer à la figure. Je ne me souvenais plus trop du reste de la soirée... J'étais entrée dans un bar, et j'avais bu, beaucoup bu. J'avais repensé à ma mère, à mon père, à mon frère et à ma sœur, à tout ce que j'avais laissé derrière moi. Je suis certaine d'avoir pleuré sur l'épaule d'un parfait inconnu, peut être même d'avoir fumé. Le reste était un vrai trou noir. Je m'éveillais avec un mal de tête pas possible, j'avais même dormi tout habillé... Je décidais le jour même de faire mes valises, et d'aller chez ma sœur à Chicago. En me voyant, cette dernière m'avait serrée dans ses bras jusqu'à limite m'étouffer.
« Léo... Je suis heureuse de te voir. Qu'est ce qui t'a fait changé d'avis? »Je lui avais tout raconté. Maintenant il fallait que je sache quoi faire de ma vie, j'allais avoir 26 ans dans quelques semaines, cette situation ne pouvait plus durer... Nous étions début septembre et contre toute attente, je décidais de reprendre mes études là où je les avais arrêté. Mais cette fois, à l'université de Chicago. Une toute nouvelle vie s'offrait, à nouveau, à moi, m'offrant une seconde chance. Depuis un mois, ma vie avait donc repris un cours plus tranquille...